DE LA PHOTO AU DESSIN, CHAPITRE I
Posté le 12/09/2022
"NE ME CROIS PAS ENDORMI"
"LA PHOTO QUI PLEURAIT"
J'observe attentivement mes deux nouveaux portraits de loups. Dois-je encore corriger certains détails? Non. Décidément, il est temps de les signer et de leur donner un titre car je risque à tout moment de gâcher le résultat de plusieurs heures de travail. Les deux loups qui me fixent se ressemblent comme s'il s'agissait de jumeaux. Pourtant leur expression paraît différente. En fait l'un, réalisé à la mine graphite et l'autre aux crayons aquarellables et crayons de couleur sont issus du même modèle.
Lorsque j'optai, en début de semaine, pour une photo prise au Parc du Gévaudan, je savais déjà que ce dessin me donnerait du fil à retordre. "Mon" loup était presque blanc. Sa belle fourrure comportait juste quelques reflets crémeux ou gris. Canis Lupus Occidentalis (loup du Canada) portait un grand intérêt aux gouttes de pluie qui glissaient sur la vitre de son enclos. Évidemment, l'humidité ambiante, l'eau de pluie ainsi qu'une légère buée provenant de la gueule du loup masquaient partiellement certaines parties du modèle. La matérialisation des gouttes d'eau semblait représenter un obstacle supplémentaire.
J'utilise actuellement un papier non adapté aux techniques humides car le grammage est trop faible. Je possède un carnet relié de la série "Paperblanks" (leurs couvertures sont splendides!) sur lequel j'ai noté plusieurs extraits de romans ou essais sur le loup. Je le considère, en quelque sorte, comme un livre de chevet. Il ne lui manque que quelques illustrations et je désirais les réaliser moi-même. Les portraits "l'Adieu à l'enfance" et "Premier servi", déjà publiés sur ce site, proviennent de la même source. "Ne me crois pas endormi" occupera donc l'une des couvertures internes du carnet, seul support de couleur sombre (marron) assez épais pour supporter les nombreux coups de crayons que je vais devoir lui infliger. Après plusieurs couches d'Albrecht Dürer blanc, ivoire et gris (Faber-Castell) additionnés de Luminance blanc (Caran d'Ache) et rehaussés d'un Pitt Artist Pen Calligraphy blanc (Faber-Castell), j'aperçois ici et là quelques espaces bruns récalcitrants. Misère! Les crayons et l'encre de chine ne recouvrent pas entièrement le support. Mon fauve ne devrait pas avoir ce pelage fauve! Je tente alors, sur les conseils de mon fournisseur, l'encre liquide blanche (Nan King Lefranc Bourgeois) et la plume. J'ai appris, il y a fort longtemps, à dessiner de belles lettres majuscules. Mon savoir-faire d'écolière n'est peut-être pas perdu. L'idée semble judicieuse mais je manque de pratique. Mon papier n'acceptera pas une agression de plus. Mais la persévérance finit toujours par payer et mon roi des forêts arbore enfin une fourrure à-peu-près digne de son rang.
Je ne vise pas la perfection, loin de là! Ce nouveau portrait affiche, cependant, beaucoup trop de défauts à mon goût. L'extrémité d'une patte retient toute mon attention. La photo, par endroits assez floue, ne me facilite pas la tâche. L'élément perturbateur doit pourtant apparaître sur le dessin car il symbolise, à lui seul, la curiosité de l'animal. En effet celui-ci, du bout de la patte, semble tester la consistance de la vitre. Puis son intérêt se focalise sur moi (ou peut-être sur les gouttes d'eau?). Je tente alors de me replonger dans mon souvenir afin de visualiser l'anatomie de cette "main" tendue vers moi. L'émotion, à travers le temps, refait surface et mon sens de l'observation ne m'est d'aucune utilité. Je dois prendre le risque de noircir une partie de la patte en ne laissant apparaître que les doigts. Bon, je ne m'en sors pas trop mal mais il reste le problème des gouttes d'eau.
Je décide d'utiliser un croquis à la mine graphite pour visualiser leur forme et leur emplacement. Je travaille tranquillement pendant plus d'une heure. Le simple fait de dessiner m'apaise. Je corrige presque machinalement certains traits, pose de menus détails et les gouttes prennent forme à leur tour.
Je m'aperçois enfin que je n'ai pas réalisé un croquis mais bel et bien un nouveau portrait de loup. Il semble, à présent, inutile de modifier le premier dessin. Le second, quant à lui, accompagnera le poème intitulé "La photo qui pleurait" (voir en page d'accueil).